Quand je pouvais parler, alors Elisabeth G. écoutait, posait quelques questions, très sobres, dont l’objectif était de me faire creuser un peu plus ma réflexion sur les sujets abordés au cours de notre conversation … elle avait une mémoire incroyable de tout ce que je lui disais et il me paraît maintenant évident qu’elle avait appris à me connaître incroyablement bien et qu’elle avait parfaitement conscience de cette grande spirale dans laquelle j’entrais, de ce personnage dans lequel j’étais enfermée et dont tout en moi aspirait à sortir… Je repartais toujours de chez elle avec une question qu’elle me posait à la dernière minute, pour me faire réfléchir de là à notre prochaine entrevue… Et cette question, toujours d’une simplicité biblique en apparence, était en fait une vraie question, d’une richesse inouïe, une source à laquelle parfois je m’abreuve encore aujourd’hui...
Et puis, quand je n’allais pas bien et que je n’étais pas en état de parler, Elisabeth G. me faisait travailler sur le corps, sur ma posture. Elle me demandait l’autorisation de me toucher, posait ses mains sur mes épaules, sur mes hanches, et me faisait prendre conscience d’une partie de mon corps par ce toucher, et par les mots dont elle l’accompagnait. Elle m’apprenait à m’assoir, ou à me tenir debout sur un quai de gare…
Elle était vraiment extraordinaire ! Elle a été mon premier « passeur de rives ». Une de ces personnes qu’on croise un jour, sans trop bien savoir pourquoi ni pour quoi, et qui sont des révélateurs, des catalyseurs, des personnes qui nous font faire un pas immense, qui nous font passer d’une rive à l’autre de notre vie. J’aime cette image… Ma vie à moi est traversée par un torrent imposant, large, tumultueux, dangereux par endroits. Et mes passeurs de rives sont mes guides dans la traversée…
Elisabeth G. m’a fait prendre conscience de plein de choses. Avec elle, j’ai commencé à identifier mes émotions, j’ai posé dessus des images. J’ai découvert que je n’aimais pas le contact physique avec les autres, que je ne savais pas dire non. J’ai compris que le rire était pour moi le meilleur médicament du monde, que je disposais d’outils fabuleux, qui m’étaient propres : mon coffre à trésors, l’écriture et le jardinage.
Mon coffre à trésors, c’est cette mémoire dans laquelle je range petits et grands moments de bonheur, c’est cette malle intérieure dans laquelle il faut que j’aille puiser, le plus souvent possible l’énergie qui en émane, et que mon côté « verre à moitié vide » à tendance à négliger. Mon coffre à trésors, c’est la richesse des émotions que je vis et que je reconnais mais que je ne sais pas valoriser.
L’écriture. L’écriture est pour moi un outil très particulier. D’abord, bien sûr, parce qu’il me permet d’exprimer plein de choses, d’émotions, positives ou négatives. Parce que dans mes sautes d’humeur, lorsque je vais mal, l’écriture est ce qui me relie à l’humeur d’avant celle qui me déchire. Et lorsque je vais bien, l’écriture est ce qui me permet de faire ancrage sur le positif, ce qui me rappelle que mes phases destructrices sont violentes mais passagères. Éphémères par nature. Et puis, l’écriture me permet de lâcher prise. Je couche mes émotions sur le papier, ou sur mon ordinateur. Elles passent par mes doigts et sortent de mon corps. C’est comme si l’écriture me libérait de mes émotions. Alors, oui, il faut que j’écrive. Il faut que régulièrement, je fasse un effort pour m’y mettre, pour chercher l’ambiance de la mise en route et pour me laisser guider ensuite dans cet état libérateur et salvateur que m’offre l’écriture.
Et puis mon dernier outil (identifié ! j’en ai peut-être encore d’autres à découvrir !) : le jardin. Le jardin et la nature, en fait. J’ai commencé très naturellement à jardiner lorsque mon mari et moi avons acheté notre maison en banlieue parisienne. Très vite j’ai pris plaisir à de menus travaux d’entretien de notre petit jardin, qui était à l’époque très académique : une pelouse, des roses, un chèvrefeuille, rien de bien compliqué en somme. Je désherbais, je travaillais la terre. Et puis rapidement, je me suis aperçue que j’aimais l’odeur de la terre. Je me suis aperçue que, lorsque je jardinais, mes problèmes s’envolaient, ma tête se mettaient au repos. Et puis, et puis… et puis j’ai croisé un second passeur de rives, dont je te reparlerai, lecteur, quand je serai prête à le faire. Mais cette personne-là m’a chatouillée sur le sujet du jardin. Et petit à petit, je suis passée de l’entretien à la création. De la petite binette aux travaux gigantesques. Du jardin académique au jardin libre, innovant.
Ce soir, après une semaine très éprouvante au niveau du travail, du stress quotidien, de l’attention que j’ai dû me porter sans cesse pour ne pas partir en live, je viens de passer une journée harassante au jardin. Désherbage violent d’une graminée épaisse, vilaine et envahissante. Création dans ma tête d’un coin mi minéral – mi végétal… J’ai fait un rêve et suis en train de le réaliser. Mon corps est vidé de ses forces, mes jambes sont toutes flagada, mais je suis heureuse et je me sens bien ! C’est pas un cadeau ça ?
Et comme par hasard, c’est un jour comme ça, où, bien qu’au bord de l’épuisement physique, j’atteins d’autres buts, inespérés… Un hasard ? Non, je sais que ce n’est pas un hasard. C’est le fruit de mon travail. Je le sais, je le constate, et cela fait ancrage en moi.
Mes outils de jardin |
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