Elle s’assied, sort son livre, enfin sort son smartphone sur lequel elle lit son livre numérique ! Les temps changent… on ne s’en rend même pas compte, mais il y a de quoi sourire…
Voilà son petit plaisir du matin : un bon livre, de quoi se laisser emporter le temps de son trajet. Oublier le métro. Se retrouver ailleurs. Loin.
Oui, sauf que ça, c’est quand tout se passe bien. Parce que ce matin, impossible de lire ! L’homme en face d’elle n’arrête pas de parler. « Alors, tu comprends, moi, je ne peux plus supporter ça. Je te l’ai envoyée balader ! Je te dis pas. Ah ah ! je l’ai bien eue. Elle a été sacrément surprise. […] Non je ne suis pas vache ! Elle ne l’a pas volé, dis donc […] Non, non, je n’irai pas m’excuser. Il ne manquerait plus que ça. Pas question ! …. ». Et il y met le ton, prend des airs, fait des gestes, fronce les sourcils, se détend. Mais autour de lui, il n’y a personne, personne qui semble le connaître en tout cas, personne qui l’écoute…
Les gens tout autour de lui sont tous plongés dans leur journal ou leur smartphone. Ils prennent cet air un peu contrit, de celui qui écoute et juge en faisant celui que cela n’intéresse ou n’atteint pas … On capte parfois un regard. On laisse trainer ses oreilles. L’air de rien … et on se fait sa petite idée, voire on discute avec soi-même, … en silence ! « Complètement taré celui-là ! Non, mais regarde le ! N’importe quoi !»
Et, en face de lui, la dame est outrée. Elle le regarde d’un air mauvais, elle soupire. Elle essaie par tous les moyens de lui montrer, sans le lui dire, qu’il casse les pieds à tout le monde, … et surtout à elle, qui a envie de lire. Point barre.
Quel âge peuvent-ils avoir ? Allez, à vue de nez, ils ont le même âge. Petite ou grosse cinquantaine, difficile à dire, mais dans ces eaux-là. À leur habillement, je me dis qu’ils sont aussi à peu près du même milieu social. Mais au comportement, là… grosse différence … encore que…. ! N’y en-a-t-il tout simplement un qui dit tout haut ce que l’autre pense tout bas, au sens propre de l’expression ?
Il faut bien nous l’avouer : ça nous choque de voir quelqu’un parler tout seul. Quelqu’un dans le métro, comme cet homme, qui raconte sa vie, qui semble avoir « un plomb qui a sauté ». Ou alors quelqu’un dans sa cuisine, comme notre vieille maman, qui dit les choses à voix haute, pour ne pas les oublier. Ca nous choque, mais que faisons-nous, nous, toute la journée ?
Debout de ce drôle de petit monde, j’observe. Et je me rends compte, que moi aussi je parle dans ma tête. Parce que tout ce que je j’écris là, je me le suis dit dans ma tête, dans le feu de l’action. D’ailleurs, à longueur de journée, je me parle dans ma tête ! Il n’est pas d’instant sans que je réfléchisse, que je raisonne. « Qu’est-ce qu’il a voulu dire là ? Il me prend pour une andouille ou quoi ? » […] « J’en ai marre de ce boulot. Ca me gave, ça me fait suer… Allez, concentre toi Marie, concentre toi et avance !»
Et tout à coup, je réalise que je suis en train d’« observer le penseur » en moi. Il est là, à l’écoute de tout. Indiscret à souhait. Il s’immisce en permanence dans ma vie, se montre indiscret et influençant. Sans arrêt, il donne son avis, il me montre qu’il a raison. Et moi, moi, … je l’écoute !!! Enfin, je l’écoutais, sans m’en rendre compte…
Ce matin, dans le métro, en regardant mes deux lascars, celui qui parle seul à voix haute et celui qui parle seul dans sa tête, je prends conscience qu’ils font tous les deux la même chose, chacun à sa façon, et que, moi qui les regarde, n’ai rien à leur envier.
Regarder à l'intérieur |
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