Qu’est-ce que tu m’as perturbée, l’autre jour, avec ton : « Tu ne choisis jamais ! », bien sec et bien cassant ! Ça m’a fait l’effet d’une claque ! Une douche froide !
Je me suis refermée comme une huître. J’ai senti mon visage prendre ce pli que personne n’aime en moi, à commencer par moi. Et instantanément la machine de guerre s’est mise en marche dans ma tête. La machine de révolte. Pour moi, c’était impossible et faux. Non ce n’était pas vrai. Il y a plein de fois où j’exprime mes envies, mais ces fois-là ne comptent pas pour les autres. Comment ça se fait ?? Hein, Comment ça se fait ? Et quand je demande, on ne m’entend pas. Tu n’étais qu’injuste en me faisant ce reproche-là !
De rumination en rumination, j’aurais pu bloquer mon moteur. Mais la machine « Je ne me laisse pas faire » a très vite pointé son nez : « Marie, parle lui. Exprime toi, dis-lui ce qu’il y a dans ta tête ! ». J’ai réfléchi, réfléchi, marchant à côté de toi, qui faisais comme si tu n’avais pas vu que je m’étais braquée. Je cherchais les mots dans ma tête, je les sélectionnais. Je préparais mon ton de parole. Et puis je me suis lancée. Posée. Calme. Pragmatique. Sincère. Alors tu as écouté, on n’avait pas forcément le même point de vue sur tout, mais on parlait. Et petit à petit, tu t’es adouci, le ton sec a disparu. Tu as fini par me prendre dans tes bras. Et tu as fait preuve d’une compréhension incroyable, tout en maintenant fermeté sur certains points qui sont pour toi des vérités. Je t’ai retrouvé…
Le problème était réglé. Ouf ! En tout cas, dans l’instant présent. Mais dans ma tête, la troisième machine de guerre s’est alors mise en marche « Marie, est-ce que c’est vrai que tu ne choisis pas souvent, ou presque jamais ? Sois honnête avec toi même ! ». Et cette machine de guerre là, c’est celle qui me caractérise le mieux en ce moment, depuis 5 ans. C’est une machine de guerre bourrine, qui ne faiblit pas. Char d’assaut ancien modèle, elle est lente, lourde, mais ce qu’elle fait, elle le fait surement. Un modèle increvable. Enfin … j’espère, je la veux increvable. Cette machine de guerre là, c’est celle qui, en moi, me pousse à réfléchir, pour comprendre ce que je suis, pour comprendre ce que je fais, pour m’aider à évoluer, à sortir de ces crises de perte de confiance, de culpabilité qui sont mes « nids de poule » et qui me rendent difficile à vivre aux yeux de tous.
Alors oui, depuis 10 jours, la question tourne encore dans ma tête, revient inlassablement se poser sur mes lèvres, dans mes gestes, dans mes … choix ?
Aujourd’hui, mon Passeur de rive, je peux te l’avouer. Je reconnais que tu as raison et que, dans un grand nombre de situations, je ne choisis pas. Enfin, pas pour moi. Non, je ne choisis pas. Je prends plaisir à faire plaisir aux autres, en acceptant leur choix, mais moi, je ne leur offre pas ce plaisir-là. Je ne leur offre pas le plaisir de me faire plaisir… Tu as raison.
Pourquoi ? Là, évidemment, c’est un mystère. On fait des fois des choses sans comprendre, par habitude, et on ne sait pas pourquoi. Mais plus j’y réfléchis, plus j’ai le sentiment dominant, que je suis partagée entre l’envie de faire plaisir à l’autre, et la peur de déranger, ou de mal faire … J’écris ces quelques mots, je me remets en situation, je me dis que c’est purement du manque de confiance en moi, et que c’est la peur de décevoir qui me guide … mal !
Choisir une table dans un restaurant… Ma foi, un choix insurmontable pour moi, parce que je sais, enfin… je crois savoir, que je vais choisir la mauvaise : celle qui est juste à côté des toilettes, ou à côté de gens désagréables. Alors je tergiverse… et immanquablement, je me plante.
Choisir un lieu de vacances en famille ? Je propose mais comme je sais que les centres d’intérêt des uns et des autres ne sont pas les mêmes, je tergiverse… Et mes idées ne sont pas entendues…
Faire le choix de te demander du temps ? C’est du temps que je capture à ta vie, à celle de notre petite société, à celle de ta famille. J’ai peur que tu n’oses pas me dire « non, là, je ne peux vraiment pas ». J’ai peur d’être jugée ou de donner place au jugement. J’ai peur de m’imposer à toi, moi qui me sens toujours si petite, si minable…
Et pourtant. Des fois, je demande, quand même. Mais je suppose que je ne dois pas le faire avec assez de conviction, que je ne demande pas assez fort. Alors on ne m’entend pas. Là aussi, je me remets en situation, et je réalise combien ma demande n’était qu’un murmure craintif et inaudible…
C’est un cercle vicieux. J’en prends brutalement conscience… Quelle révélation dans ma tête !
Quand j’étais enfant, il est arrivé, 3 fois je crois, que ma mère, dans des situations où elle trouvait que je « faisais des caprices », me donne, au sens propre du terme une « douche froide ». l’eau glacée me tétanisait, me choquait et arrêtait, de fait, brutalement, ma crise de larmes. Ma mère a toujours été très « fière » de cette bonne méthode qu’elle avait trouvée là, et m’en a chanté les bienfaits pendant des années, rendant tout ça bien humiliant. Quelle belle réponse au terrible besoin de tendresse que j’avais dans ces 3 situations ! Mais j’étais petite …
Aujourd’hui, je prends les douches froides de mon Passeur de Rive. Il ne faut pas rêver, elles restent des douches froides. Brrr c’est pas agréable !!! Oui, mais ces douches froides-là, toutes désagréables qu’elles sont, ne sont 1- pas méchantes, ni destructrices, 2- pas humiliantes. Et je suis obligée de reconnaître qu’elles sont infiniment riches et nourrissantes ! Je suis en pleine traversée d’un torrent tumultueux. Passeur de Rive, tu es ma branche salvatrice !
Le vert ou le noir ? |